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23 septembre 2016

Les toilettes

Je voulais vous entretenir aujourd’hui d’un sujet un tantinet délicat qui me turlupine mais qui fait pourtant partie de la vie courante, et je parle ici du comportement humain à la salle de bain, en portant notre attention sur la fameuse salle de bain au travail. Chacun vit sa relation avec les toilettes de façon différente, et comme vous vous en doutez, la mienne est bien personnelle.

Avant même d’entrer aux toilettes, il peut déjà y avoir un malaise au moment de pousser la porte. Trop souvent tu la pousses pour entrer au même instant que quelqu’un la tire de son bord, ce qui fait que l’un des deux force dans le vide et mange presque la porte dans le front. Chaque fois, peu importe du bord duquel je me trouve, j’ai l’impression de pas savoir quoi dire entre « oups! », « oupelaye! » ou « hé la la… », avec un sourire niaiseux, qui ressemble d’ailleurs au même qu’on a en croisant quelqu’un qui marche vers soi et qui à deux reprises ou plus se tasse du même côté. Je crois d’ailleurs que le mieux serait d’installer des portes western qui grincent, ça éviterait les accidents, pis ça donnerait un petit cachet…

Pour certains, aller aux toilettes c’est comme aller jouer aux quilles; c’est une activité plate qui devient une bonne occasion de faire du social pour se désennuyer. Ça te jase de tout et de rien, du dernier meeting, de leur char, ou d’une vidéo drôle sur Facebook. Moi, c’est pas trop mon truc. J’suis pas contre qu’on se salue évidemment pis qu’on se dise qu’il fait beau dehors, mais au risque d’avoir l’air bête, pour moi aller aux toilettes publiques c’est plutôt comme d’aller dans une clinique médicale; j’en retire pas vraiment de plaisir, j’espère y passer le moins de temps possible, pis c’est pas vraiment là que j’envisage de passer du temps en agréable compagnie pis de faire du « small talk ».

Y’a deux situations de ce genre encore plus particulièrement malaisantes pour moi; la première, c’est quelqu’un qui vient se poster à l’urinoir d’à côté, qui commence à me jaser, mais surtout que je sens qu’il cherche mon regard des yeux...  il espère que je soutiennes son regard pendant qu’il jase. Il fait du « Eye Contact » d’urinoir. Comment j’te dirais bien ça, man…. Tu peux me parler si ça peut vraiment pas attendre, mais attends-toi pas trop à ce que je te regarde dans le blanc des yeux. Regarde le mur ou ton jet SVP. Parles-moi comme si on était au téléphone pis qu’on se voyait pas, tsé? J’sais pas si j’ai la vessie timide, mais de regarder autre chose que mon jet ça me force à me concentrer doublement, pis j’ai ben d’la misère à me lâcher lousse. Je dois visualiser beaucoup d’eau qui tombe, genre les chutes du Niagara tsé, bref ça devient crissement compliqué.

La deuxième, et franchement la pire, c’est quelqu’un qui te croise en entrant, qui se mets à te jaser, et qui, bordel, continue à te parler même après que tu sois entré dans la cabine à numéro deux! Surtout si y’a d’autres portes de cabines déjà fermées, et que tu sais que ça devient comme une discussion de groupe non désirée! Dès que je suis entré dans la p’tite cabine, considère que le son ne passe plus de l’autre côté, même si tu vois encore mes souliers. Dis-toi que j’ai été téléporté au pays imaginaire ou à bord de l’Entreprise, quelque chose du genre. On se rappelle pis on prend un café pour finir la discussion mon chum…

Parlant des souliers, et parce que notre mémoire a l’étonnante faculté d’associer des images et des sons, avouons que y’a rien de plus plate quand t’es dans une cabine, que t’entends les trompettes de la cinquième symphonie dans la cabine d’à côté, et que, sans trop le vouloir, tu regardes du coin de l’œil dans le bas du « pas de mur » et tu reconnais les souliers, hein?! Trop tard, t’en a trop vu. Tu voudrais bien faire « undo » mais tu ne peux pas. Tu sais que tu pas toujours te rappeler de ce son là quand tu vas voir la face qui va avec les souliers.

Autre accessoire de malaise dans la salle de bain publique: le maudit séchoir à mains. Faut savoir qu’au boulot maintenant, on a un long comptoir avec trois éviers, mais aucun papier pour s’essuyer les mains, et un seul super méga séchoir, ceux du genre qu’ils se servent comme propulseur pour les Boeing. Faites le compte comme vous voudrez, on arrive en dessous dans le ratio potentiel de mains à sécher en même temps vs la capacité de séchage. Si le séchoir est déjà pris, t’as donc le choix entre t’essuyer sur tes pantalons, et garder une belle humidité une partie de l’après-midi le long des jambes, ou bien de te mettre en ligne pour le séchoir. Quand tu es seul dans la salle, y’a pas trouble, tu te gâtes côté séchage, tu sèches tes mains comme s’il n’y avait pas de lendemain, jusqu’à ce qu’elles soient parfaitement « chèches ». Par contre, quand y’a deux ou trois personnes qui se lavent les mains en même temps, là ça devient plutôt bizarre; le plus rapide côté lavage (donc le moins exigeant côté propreté?) s’installe au séchoir en premier, et les deux autres n’ont d’autre choix que d’utiliser la technique de la « simulation » : tu continues de faire semblant de te laver les mains bien à fond pour étirer le temps, même si elle sont déjà trop bien rincées, parce que sinon t’as l’air con de te mettre en ligne derrière le séchoir, avec les mains qui dégoutent sur le plancher, ce qui mets de la pression sur le premier qui, lui, vit le supplice de l’eau sur les mains qui sèche pas. Non mais c’est vrai : avec ces séchoirs-là, tes mains restent mouillées, mouillées, encore mouillées, encore un peu mouillées, pis un moment donnée, alors que tu commences à ne plus y croire, paf! Elles sont sèches!

Autre problème relié au séchoir : le son beaucoup trop intense. Si quelqu’un a le malheur de se mettre à te jaser tout juste au moment où tu finis de te laver les mains et tout juste avant que tu pèses sur le piton du séchoir, c’est comme malaisant de partir le dit séchoir, parce que tu sais que tu vas enterrer ton interlocuteur tellement c’est bruyant c’te patante-là, ce qui revient à lui couper la parole. Ça fait que tu restes là à écouter, l’air niaiseux, les mains mouillées en l’air, comme un chirurgien qui s’en va faire une opération.

L’absence de bruit de séchoir aussi peut cependant aussi créer un certain malaise. Quand t’es à l’urinoir, ou dans une cabine, et que t’entend quelqu’un sortir d’une des cabines et franchir directement la porte de sortie sans passer au lavabo pis au séchoir, tu sais très bien que y’a une couple de germes qui viennent de se faufiler dans le couloir. Le pire dans ce genre de cas? C’est si t’as préalablement reconnu les criss de souliers du coin de l’œil!