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26 mars 2012

La Cabane à sous

N’y a-t-il pas plus traditionnel au Québec que la saison des sucres et la visite de nos belle érablières? Tout bon québécois se doit, une fois l’an, d’aller licher d’la tire collante sur un bâton à pogo pris dans une boite où tout le monde pige à pleine main pas lavée. Nous y sommes allés en famille ce samedi justement, et j’en suis revenu plus perplexe que jamais…


Perplexe car j’ai d’la misère à analyser mes sentiments face à cette sortie annuelle. Bien entendu y’a le côté émotionnel des souvenirs de mon enfance qui remontent, et qui est fort probablement la raison principale pourquoi on y retourne chaque année depuis que je suis en âge d’avoir mal au coeur. Je me rappelle que c’était souvent une occasion de revoir la famille, les mononcles et les matantes qu’on voyait moins souvent, et qu’on retrouvait ainsi, chaque printemps, dans une salle à dîner où y’a trop de bruit pour s’entendre parler, assis à une trop longue table. Et en même temps, aussitôt que je me retrouve à peine dans l’entrée, accompagné maintenant de mes propres enfants, que je me demande à tout coup : Quessé qu’on fait icitte, ciboire!?


La cabane à sucre, que je nomme maintenant « la cabane à sous », c’est comme un genre de freak show où se ramassent la moitié de la population de Verdun, pour aller s’empiffrer de bines pis de jambon arrosés de sirop, le tout à un coût exorbitant. C’est un endroit charmant où on paye pour aller se geler le cul dans une charrette surpeuplée qui fait un tour de marde de 10 minutes dans l’érablière, visite non-guidée bien entendu, sans vraiment s’éloigner du parking, et où y’a tout le temps une famille bizarre qui semble être sortie de l’asile pour le week-end, et qui ont du gros fun sale comme ça se peut pas.

Ensuite, une fois les enfants bien gelés, tu rentres en dedans à la grosse chaleur pour faire la ligne (pour ne pas dire « se taper la queue ») pour acheter tes billets, des gros cartons surdimensionnés et colorés qui n’entrent pas dans tes poches, et ensuite tu te mets encore en line-up pour pouvoir éventuellement entrer dans le sauna là où ils servent les repas. Pis à côté de cette file là, y’a toujours le bar miteux de la place, tenu par un mononcle moustachu et sa nièce en chemisier blanc, où tu y verras assurément accoudé le père de la famille de mongols croisée dans la charrette, achetant sa grosse bière pour se désaltérer, par qu’il sait lui aussi trop bien ce qui l’attend. Au bout de la queue, y’a le ti-monsieur avec sa chemise en restant de nappe carottée qui fais des signes de baseball au catcher/placeur à l’autre bout de la salle pour câller la grosseur des groupes qui arrivent, pis qui a toujours l’air surpris que tu sois en gros groupe.

Une fois à l’intérieur, t’as tellement chaud que tu te mets à poil et t’accroches ton linge comme tu peux sur le dos d’une chaise de cafétéria d’école primaire en sachant trop bien que dès que tu vas te lever, elle va tomber, entraînant ton beau manteau de fin de semaine sur le plancher à moitié collant des vapeurs d’omelette pis d’oreilles de christ qui sortent de la cuisine (non mais qui a eu la brillante idée de faire frire du lard, comme si c’était pas déjà assez gras « nature»…). Là y’a la madame qui transpire dans sa grosse robe de soubrette qui t’amène un litre d’eau tiède, avec un litre de lait tiède, pis un litre de sirop d’érable… tiède. La prochaine étape : les entrées. Un bol de pain tiède, avec des p’tits pots minuscules de cretons tièdes, et des bols de pickles et de marinades… tièdes. Là évidemment les enfants, affamés d’avoir fait la queue pendant 30 minutes, se bourrent la face dans le pain mou, question de pu avoir faim pour le reste du repas qui t’a couté 10/15$ par tête, et là on parle du prix pour les 5-15 ans. Évidemment le samedi soir, même si tu mange exactement le même osti de menu que le midi, c’est plus cher.

Ensuite, pour continuer ce copieux repas, le plat de résistance. Et « résistance » c’est pas mal le feeling qu’on a dans l’estomac en voyant arriver c’te bonne assiettée d’omelettes tiède, enterré sous une couche de jambon gras. Pis là tant qu’à faire tu te dis « aussi bien d’arroser ça d’un peu de sirop, ça va descendre mieux ». Seul point positif ici : le bol de patates. J’sais pas comment ils les font, mais j’ai toujours adoré ces p’tites patates surdimensionnés… Sauf que le bol, en métal bien entendu, est toujours trop chaud pour que tu le tiennes, et trop petit pour le nombre de personnes assis à la table…. Mais bon, ça fait partir du charme. Ensuite, question de retomber dans les gras saturés et de finir ça en beauté, on ajoute à tout ça le bol de saucisses cocktail dans le sirop d’érable, accompagné d’un bol de bines… dans le sirop d’érable bien entendu.

Et là, comme ton estomac te supplie déjà de mettre un terme au carnage, tu ne peux résister à l’envie de rentabiliser tes frais d’entrée, et tu te lances à gorge déployée dans les desserts. Rien de mieux pour finir la tuerie qu’un bon bol de pouding chômeur au sirop d’érable, avec une pointe de tarte au sucre d’érable tiède, et pourquoi pas une belle boule de pâte à beignes frite, arrosée de sirop d’érable! Un p’tit verre de lait tiède pour faire descendre le tout? Enwèye dont mon Léon! Tu veux un café? Sorts ton lasso pis essais d’attraper la soubrette déguisée en nappe de camping!

Une fois que tout le monde est au bord du coma diabétique, on se dirige vers la prochaine étape de la soirée : la salle de danse. Là tu retrouve tes amis, dont la mère de la famille d’osti de mongols rencontrée plus tôt qui elle, a décidé qu’elle dansait comme jamais on a vu danser. C’est SA soirée, sa grosse sortie, tassez-vous! Y’a toujours aussi 3-4 folles qui essaient tant bien que mal de partir une danse en ligne en vain au bout d’la piste, sur une toune qui s’y prête pas. Découragé juste en entrant, t’enligne le temps d’une seconde d’aller te taper une partie de machines à boules pour passer le temps, mais attention! La zone est encerclée d’enfants de pauvres sur un esti de high de sucre, qui sont en train de défoncer les machines, sans jouer vraiment parce qu’ils n’ont pas une cenne, alors tu renonces sur le champ. Tu te diriges alors vers un coin isolé, et dépose tes choses sur une table sale, et là c’est le début de la fin. Tu assistes en direct au débarquement de Normandie; les enfants d’la gang des plus nantis débarquent dans le noir d’la piste de danse avec tout un attirail d’épée pis de guns à 10$ en plastiques qui font du bruit avec des lasers pis et des lumières DEL psychédéliques. Évidemment, t’as pas le choix d’embarquer tes enfants dans le troupeau pis d’les équiper, sinon té un parent poche, un sans coeur. Ça fait que tu t’assis et tu regardes les enfants courir, sauter, et pointer leurs lasers dans la face de Henriette, la grosse cousine du proprio et DJ en feu de la soirée.

Quand finalement t’es à bout de nerfs, que t’essais de prendre tes messages sur ton iPhone pour passer le temps pis que le signal passe pas à travers l’épais toit de la cabane ancestrale et des vapeurs de sirop, tu réussis à convaincre les enfants d’aller manger d’la tire dehors, en sachant qu’une fois dehors et transits par le froid ils seront plus facile à attraper et à attacher dans l’auto. Tu te diriges donc vers l’allée de neige jaune dans le bac en long, tu fais encore la ligne une dernière fois, et te sucre le bec à vouloir en vomir. Une fois les enfants avec la face et les mains bien collées, tu les attrapes par derrière en traitre, et hop dans le char! Tu les débarbouilles un peu, les suppliant de pas mettre leurs bottes pleine de bouette partout sur les bancs, leur donne un bol pour vomir au cas où, et tu décâlisses de là en te promettant de ne plus revenir… avant l’année prochaine.

5 commentaires:

Clau a dit…

J'ai lu ton billet à mes enfants assis dans le salon et je riais tellement que j'avais les larmes aux yeux. Fridou rit et fini par dire, eille faudra y aller à la cabane à sucre.... À croire qu'on aime la torture!

Caro la cousine a dit…

Vraiment trop drôle..Je me roule...C'est exactement les même choses que je me suis dite la dernière fois que je suis allé Au Sous Bois...beurk,,,,vraiment dégueu...Mais j'ai découvert l'Érablière Charbonneau, c'est que trop bon. C'est la meilleure que j'ai gouté jusqu'à date....Un peu plus chère qu'ailleurs mais tellement beau, propre etc....Mais je l'ai digérer aussi pendant une couple d'heures....Vive le temps des sucres...hahaha

Anonyme a dit…

Hey attaque pas ma Cabane préférée Chez Constantin!!! Moi j'aime ça la cabane, au point de devoir y aller 2 ou 3 fois pour être rassasiée, et chaque année on essaie une ou 2 nouvelle places en plus de notre cabane préférée (Constantin, je l'ai tu dit?) pis sibole jamais aucune cabane n'a déclassé notre Constantin!!! C'est là la meileure bouffe. De toute façon je n'ai jamais vu de tours de cheval gratuit ailleurs... 4 roues : pas nécessaire, c'est une cabane pas un go-kart!!! Et il y avait un spectacle de marionnette gratuit et très réussi au 2e étage en haut de la ferme exotique. Là encore c'est une cabane, pas un zoo. Faut pas s'attendre à voir des serpents et des lezards gratis. Bref moi j'adore Chez Constantin! La qualité de la bouffe c'est le plus important à mes yeux (et pour ma bouche). Ils ont les meilleurs creton, jambon, petit pain, oreilles de criss et surtout la meilleure tire!!! ceci étant dit, je suis quand même d'accord avec mon frère : après 2 ou 3 visites, moi aussi j'ai mal au cœur et je suis ok pour un an!

Testlucpitt a dit…

Comme quoi tous les goûts sont dans la nature hein?

Unknown a dit…

J'imagine tellement le même blogue, mais tenu par un Japonnais :

«... Pis là, tu fais la file et ils te donnent des boules de riz tiède, avec du poisson cru tiède, de la sauce soya tiède. Le gars qui les fait a ni gants, ni masque et son poisson traîne sul' comptoir depuis mercredi midi. Pis y te d'mandent 5 piastres par morceau. Pas par rouleau; PAR MORCEAU! T'essaie de boire du sake, mais t'es pas capable de t'nir la maudite caraffe qui sort du micro-ondes!

« Pis là, les ostis de touristes venus d'Amérique débarquent pis s'imaginent qu'ils contrôlent la place pis qu'ils mangent TELLEMENT typique du pays... ».

Comme quoi tout ce qui est typique, devient rapidement cliché.