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2 juin 2014

Retour aux Souches: mon récit.

Dernier vendredi de mai, milieu de l’après-midi, sur la 15. Les fenêtres baissées, la musique dans le tapis.

Deux Chevaliers du Houblon sont en direction nord. Le nord, le vrai : le nord de Sainte-Agathe-des-Monts.
Le nom de code de l’opération : « Retour aux Souches ». L’objectif de la mission : retrouver le « moi » en nous, avec d’autres nous.

Un premier arrêt s’impose, sur la Principale de Sainte-Agathe, pour vérifier l’état des lignes de fut d’un p’tit resto-bar et pour se faire un p’tit fond. Le soleil est au rendez-vous, et nous confirme d’avance sa présence pour les 48 prochaines heures. On jette un dernier coup d’œil à nos cellulaire et au monde virtuel, car dans quelques minutes ça ne sera plus possible. Deux pintes de Rickard’s White et une assiette de nachos semi-mou plus tard, on retrouve notre monture.

Le chemin qui nous sépare de notre destination finale se fait rapidement. On quitte bientôt l’autoroute, on amorce la sinueuse 329.

-C’t’icitte à gauche.
-Hé que j’ai ben hâte de voir dans quoi tu nous as encore embarqués…

L’asphalte devient vite gravelle, le chemin se tort de plus en plus, les maisons se font rares, la lumière aussi. Monte descends, tourne tourne.
-Garde ta gauche à la fourche
-Té sûr?
-Ben oui!
-Criss c’est ben creux!
-C’est supposé être à droite au boutte…

Comme de fait, au bout, on nous accueille avec des grands signes de bras. Pas vraiment le choix d’aller à droite ça l’air. Rapidement, le P’tit Bonheur se dresse majestueusement devant nous; pas de doute, nous sommes à destination.
-On se park où? »
-J’sais-tu, moé? »
-Y’a un parking en haut, un autre en bas.
-On a deux glacières remplies de boisson, moi j’dis qu’on va en bas!

Une fois stationnés, on se délie les jambes, on prend une première bouffée d’air frais, en regardant la plage et la structure de bois qui servira bientôt au feu de camp, qui nous attend impatiemment. On se dirige donc vers l’entrée présumée de l’auberge, un peu incertains. Y’a pas grand monde, il est encore tôt faut croire. On ouvre les portes, on entre et vlan! Droit devant nous, y’a un loup de 6pieds dans le portique, une madame avec un gros kodak, pis deux bols à punch.
- Bon ben, j’pense que c’est icitte!

Premier bonsoir bien cordial du personnel, et sans tarder on nous fait signer une décharge.
- Ouain, ça promet!

S’en suivent quelques explications d’la seconde dame bien gentille, qui réquisitionne nos appareils électroniques illicites, nous remet nos clés ainsi que quelques détails. On retourne ensuite à la voiture, et un premier transport de bagages s’en suit. Un voyage de paresseux évidemment, les bras vraiment trop pleins, et on s’enfonce dans les couloirs. La première partie est bien droite, ça va bien. Ensuite, oh-pe-laye. Les couloirs rétrécissent à vue d’œil, ça vire de tous les bords, monte, descend, tourne icitte, tourne par là…un vrai labyrinthe.
-Coudonc, c’tu moé où les murs se rapprochent de plus en plus?
-Aweye avance, j’ai soiiiffff…

Juste avant d’arriver à la dernière porte d’urgence tout au fond du labyrinthe, avec un « stop » écrit dessus, on trouve la nôtre. Les sacs ne passent pas de travers, mais tournés ça entre. Un magnifique oasis nous accueille: deux lits simples pas d’couvarte, pis un évier. Bucolique, mais ça fera l’affaire. On dépose nos sacs, on barre la porte, et on vire de bord pour aller chercher le plus important : les glacières. On retourne dans le couloir, tourne à droite, tourne à gauche et woh!
-Ben voyons donc, c’tu moé ou on vient de passer là, pis y’avait pas de mur tantôt!

Visiblement un employé est allé au grenier juste après notre passage, dont la trappe se dressait encore fièrement devant nous, nous bloquant donc le corridor. Le temps qu’on comprenne qu’on n’est pas fou (délai dû aux deux pintes de bières),on se faufile entre la trappe et le mur, et on retrouve notre chemin vers l’extérieur. On revient ensuite à la réception avec nos deux glacières. Le loup nous dévisage de ses yeux vides, découragé de voir qu’on a autant sinon plus de boisson que de bagages. De retour à la chambre, on dépose le tout, et c’est le moment de vérité; pchishhhht! On ouvre la première bière officielle, et on se fait un toast. Ça y est, on décroche déjà.

On redescend en bas, à l’arrière de l’auberge, rejoindre quelques autres crinqués comme nous qui arrivent presque trop tôt. On fait la connaissance de Michel dit « Iron Man », Rudy le vaillant, Johanne avec sa machine à bibittes, et Collin le traitre.
Plusieurs autres arrivent rapidement, on se présente, on socialise un peu, et on nous appelle bientôt au Petit Salon pour l’accueil officiel.

C’est là qu’on fait la connaissance de Humus, le chef spirituel, accompagné du grand Fanal, son acolyte Lanaf, la belle Haddock, le millionnaire et son épouse. Ils seront nos guides et notre source d’énergie tout au long du week-end, et on les sent aussi énervés que nous. On nous explique les règlements, le déroulement de la première soirée. C’est à ce moment que Collin le traitre se fait prendre en flagrant délit de possession de matériel électronique illicite, et est aussitôt escorté par Fanal et Lanaf vers le donjon. Coup de théâtre! Dans le temps de le dire, ils réapparaissent d’une autre porte, et Collin est devenu Empereur. C’était donc un subterfuge pour nous espionner, simple civils, pour voir si quelqu’un parmi nous pensait tricher. Le message est clair, on sera surveillés! Mais tous passent le test avec brio.

On s’inscrit ensuite pour l’aventure avec des jeux pour le lendemain, qu’on comprend plus ou moins, et on se dirige dehors pour l’allumage du premier feu du week-end. 70 péquenots autour d’un tas de bois enflammé qui fraternisent, boivent, se détendent, et se réchauffe autant du dehors que du dedans.

Ensuite un Conteur un peu louche de la plus pure tradition, tout droit sorti d’une pub de pastilles Riccola, vient nous entretenir sur son passé, sa mère, et autant d’histoires qu’on a bien de la difficulté à suivre du haut de nos quelques verres. Ensuite les guitares prennent le relais, les refrains sont entamés. Les dernières lueurs du jour disparaissent au bout du lac, derrière la montagne, et les étoiles s’allument une à une. Bientôt c’est tout le ciel qui nous éclaire comme un immense filet de lanternes chinoises. Le lac se fige, tout comme le temps.

Dans les prochaines heures le groupe évolue, se disperse petit à petit, et seuls quelques vaillants guerriers bien réchauffés veillent au feu, se racontant leur petit vie, ou celle qu’ils rêvent d’avoir. Sur le quai tout près, on philosophe profondément;
-Ça va être rough l’hébertisme demain!
-Ben non, on va être top shape. J’te gage même que j’te bats.
-Pfff? Si j’te bats, tu me dois une bouteille de Masi,
-Du Masi!? C’est d’la piquette. On parle pas d’un Veuve Cliquot là, tsé, t’es sûr?
-Ben non, c’est bon du Masi.
-Ah ok…

Une seule chose est certaine, il n’y a aucun autre endroit au monde où nous souhaiterions être, là, à ce moment précis, dont on se souviendra longtemps.

À cet instant, on sait déjà qu’on a fait le bon choix, que cette petite aventure influencera nos vies. Le « moi » en nous refait déjà surface, se ralliant à celui des autres, et l’essentiel redevient tout à fait clair à nos yeux. Le Retour au Souches opère déjà sa magie…


Les dernières braisent s’éteignent, et s’achève ainsi la première soirée d’un week-end qui sera tout aussi mémorable.

2 commentaires:

Mélanie a dit…

Quelle belle aventure! Merci de nous faire vivre avec autant de précision, de sincérité et de poésie votre expérience. Tu as beaucoup de talent!

karoussel a dit…

Merci de votre beau récit mr Pitt, je ferais parti des de lla cuvée de septembre :)