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20 avril 2012

Pères d’aujourd’hui

On a de la chance nous, les pères d’aujourd’hui, du moins pour certains, d’avoir la possibilité de s’occuper de nos enfants le matin, avant leur départ pour l’école ou la garderie. Rien à voir avec nos pères qui eux, partaient le matin, café à la main et journal sous le bras, avant même que tout le monde soit réveillé dans la maison, pour passer le pont avant le traffic…


Rien de tel que de commencer sa journée, soi-même fatigué et à moitié endormi, en essayant de réveiller ces deux grosses marmottes qui se plaignent d’être fatiguées, alors qu’elles dorment depuis 12 heures. Moi mon truc : je les prends comme une roche, et je les dompe tel une pipine sur le divan du salon, en ayant pris soins avant d’allumer la télé et d’avoir choisi une émission bien colorée. Inévitablement, leur cerveau se met sur l’automatique et leurs yeux finissent par s’ouvrir pour fixer l’écran… en se plaignant un peu de la lumière excessive émisse par ma 40 pouces HD à DEL…


Ensuite, le gavage. Oui parce que faut que ça mange avant d’aller apprendre ces p’tits bêtes là. Pis comme on n’a pas 2 heures pour se préparer, mais plutôt 45 minutes, on mange en se levant. Et à chaque matin, aussi fidèlement, on te pose la question « mais y’a quoi à manger? ». Moi je ne me bats même plus…. Je dis spontanément « j’te sers la même chose qu’hier et avant hier? » Et assurément, après avoir pris 5 minutes pour se décider, ils te demandent la seule chose à manger que t’as plus en stock, ou bien le genre de truc qui est trop long à faire, comme des crêpes.


Après le déjeuner, vient ensuite le moment magique de les habiller. Tu leur demandes d’enfiler les vêtements que tu as judicieusement choisi dans leur tiroir, en essayer de trouver de quoi qui est ni trop petit parce qu’ils ont trop grandi, ni trop grand parce que ça vient d’un cousin, pas trop propre parce qu’ils vont aller jouer dehors mais pas trop vieux comme s’ils arrivaient de jouer dehors. Le tout bien entendu en ne prenant pas de t-shirt avec une image « trop violente » pour l’école, sans être un souvenir des dernières vacances aux îles de la madeleine... parce que c'est pas assez hot. Pis quand t’es chanceux, ta fille de 4 ans a une espèce d’hypersensibilité corporelle doublée d’un caractère de chien : bref tout son linge l’énarve! Les bobettes l’énarvent, les bas l’énarvent. La veste en dessous du manteau de printemps l’énarve, sa casquette l’énarve, pfffff…..


Vient maintenant le temps de brosser les temps, en essayant de les faire décrocher de la télévision (sous entendez ici « fermer » la télévision). Y’aura évidemment une bataille pour savoir lequel se les brosse en premier, alors que quand ils sont seuls ils refusent d’y aller. Et ensuite ma minute préférée : la lulu. Tsé des cheveux, c’est comme un animal sauvage, ce n’est pas fait pour être attachés. Sauf qu’évidemment tu ne veux pas ramener les poux des paspropres à la maison, donc tu sors la brosse et tu achèves tout le restant de bonne humeur de ta fille en lui tirant les cheveux bien solide, pour attacher le tout avec le même élastique rose que la veille, parce que c’est le seul qui tient pas pire. Pis t’oses même pas essayer une autre sorte de couette, ou d’utiliser une passe ou des barrettes, c’est peine perdue. T’envois ensuite ta fille s’habiller pour partir, pis tu réalises que ça couette est vraiment pas centrée… mais bon, après tout, ça fait « années 80 »…


On sort donc de la maison, après avoir joué à la loterie de « trouve des ti-gants qui matchent » dans le bac d’accessoires trop rempli. T’essais de barrer la porte, ayant dans les mains ton sac à dos, celui du plus vieux, sa boîte à lunch aussi grosse que le sac, le lait d’la plus jeune qui est allergique au lactose, et leurs casquettes parce que l’après-midi il va faire 20 degrés de plus que le matin. Évidemment tu réalises que tes clés sont dans ta poche de gauche, le bord de la main où t’as mis tout le stock pour laisser libre l’autre main... Une fois la porte barrée, tu pries que tes vitres de char n’aient pas de frimas ce matin là, parce que les jeunes vont vouloir absolument t’aider à mal gratter les fenêtres… Ensuite ils s’installent à l’intérieur du véhicule, en exigeant de s’attacher tous seuls… lentement…


15 minutes plus tard, t’es de retour à la maison, après avoir fait un tour de ville entre la garderie et l’école, et tu te stationnes chez toi, pour ensuite aller à pied vers l’arrêt d’autobus, parce que côté traffic, yé trop tard pour prendre ton char… Tu t’assois entre la grosse madame et le tueur à gage, pu d’énergie, en essayant de t’estimer chanceux d’avoir passé un peu de temps avec tes enfants ce matin là…

11 avril 2012

La tendance est au rouge...

J’ai envie de vous parler de rouge ce matin. Mais pas de p’tits carrés, plutôt de ronds… soit les feux de circulation. Il y a à peu près un an, je traversais tout bonnement une petite rue du centre-ville, sur la rouge évidemment parce qu’il n’y avait pas d’autos en circulation. Rien de bien surprenant me direz-vous, c’est plutôt la norme à Montréal. Juste à faire un tour sur Sainte-Catherine pour voir que le piéton est roi.


Mais voilà-tu pas qu’en posant l’orteil sur le rebord du trottoir, rendu de l’autre côté, apparait dans mon champ de vision un poulet dans son bel uniforme, sourire aux lèvres, comme un pêcheur venant de ramener un beau poisson dans son filet.

« Monsieur, venez-ici SVP ». « La lumière là, elle était quelle couleur? »

« euh… Rouge? »

« Ben oui, hein? ». « J’vais prendre vos papiers d’identité SVP ». « Vous allez recevoir une contravention par la poste »

« et bien… que dire… merci… c’est trop… »

Tout d’un coup, j’me suis senti vraiment idiot. J’étais dans la première phase, l’état de choc. J’me sentais comme un ti-cul qui vient de se faire pincer à voler un bonbon au dépanneur. Debout devant tout le monde sur le coin de la rue, attendant mon billet bien gentiment. J’me sentais con de pas l’avoir vu, bien accoté sur le poteau n’attendant que j’enfreigne la loi drette dans sa face. Mais aussi pour le ridicule de la situation; se faire arrêter pour traverser une rue à pied, on a vu pire comme méfait. On ne parle pas ici d’un boulevard à 6 voies, mais bien d’une petite rue pas très passante qui mène pratiquement à un cul de sac. Y’a tellement personne qui tourne sur cette rue que y’a même une traverse de vers de terre d’avril à novembre…

Un fois mon beau billet en main, je me remets en route, un peu légèrement en tabarnac. Rien de plus frustrant que d’aller travailler pour revenir à la maison avec une contravention, devant ainsi une partie de mon salaire à la ville de Montréal. Vous l’aurez compris, j’étais dans le déni. Et là vous aurez compris que je ne parle pas de « Denis » Lévesque…

Ensuite, phase de désespoir : je continuais ma route, m’arrêtant bêtement à chaque lumière rouge, maudissant le retard que j’accumulais, et l’impression d’être le seul cave à attendre sur le coin des rues pour pas se faire chicaner, jusqu’à ce que j’arrive enfin au terminus.

Puis, dans les jours qui ont suivi, j’ai continué de m’arrêter à chaque lumière rouge, inspectant les alentours pour essayer de débusquer le vilain policier caché, persuadé qu’il me traquait à travers la ville, dans l’espoir de doubler ma contravention. J’ai réalisé que ça m’angoissait sérieusement de toujours me demander si je pouvais traverser ou pas, alors je me suis dit « d’la marde », si c’est rouge, et bien j’attends, pis c’est toute. Phase de détachement. Et c’est là que ça a commencé à devenir intéressant.

J’ai commencé par me rendre compte que je ne sauvais pas significativement de temps en bout de ligne. 2 minutes au mieux par trajet. « Big deal ». Ensuite, regardant à chaque coin de rue les gens me dépasser et traverser sur la rouge, je me suis rendu compte qu’effectivement, bien souvent pour ne pas dire « quotidiennement », ils nuisent considérablement à la fluidité de la circulation, risquant même dans plusieurs cas de créer des accidents sérieux… et pour aucune raison valable. J’entrais visiblement dans la dernière phase, l’acceptation.

Je me plais maintenant à regarder chaque semaine des poissons se faire prendre par le vilain agent de la circulation, tout comme moi l’année dernière, et je ne peux m’empêcher de sourire en passant près d’eux… sachant que je vais arriver au terminus bien avant eux. Et comme je marche très vite, genre plus vite que le monde qui marche vite, je rattrape toujours les gens après 1 ou deux coins de rues. Mais le plus étonnant, c’est que je me rends souvent compte que quand les gens arrivent sur le coin de rue avec une lumière rouge et remarquent que je ne bouge pas, ils se sentent bien nerveux tout d’un coup, et n’osent plus bouger. Ils ont l’air de se demander pourquoi je reste là. Ai-je vu quelque chose qu’ils n’ont pas vu? Est-ce un piège? Et dans d’autres visages, on lit clairement la gêne, comme s’ils n’osaient pas être les seuls à transgresser la loi. Comme si c’était moins cool, maintenant qu’ils étaient seuls à le faire. Et ce moment là, c’est mon préféré, car je réalise que de ma petite personne, je peux avoir une certaine influence sur les gens qui m’entourent, aussi minime soit-elle. Après tout, c’est un peu comme ça que les modes sont lancées. Un individu a le courage d’assumer une tenue nouveau genre, et suffit de quelques suiveux pour que la nouveauté devienne une tendance...

Donc pour moi c’est réglé, tenez-vous le pour dit, j’attends mes lumières rouges. Pas parce que j’ai peur de me faire frapper, mais par principe. Parce que si un jour ce système a été mis en place, c’est pour la sécurité de tous. Est-ce que je créerai une tendance? Surement pas, mais j’suis à l’aise avec mon choix. Et après tout, je me tue à dire à mes enfants de pas traverser sur une lumière rouge, faut bien que je m’assume en tant que grande personne…