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15 août 2013

Le campeur sachant siffler


J’ai tendance à remarquer certains petits détails parfois, qui peuvent m’inspirer passablement, des fois même un peu trop.  Il y a deux jours, j’entrais très tôt au bloc sanitaire numéro quatre du secteur des Érables au camping du parc Orford pour y faire ma petite besogne du matin (et vlan pour les détails, on situe la scène…), et je croise un type dans le bloc, qui venait probablement de faire sa petite affaire du matin lui aussi, et qui se dirigeait vers l’évier. Habituellement les gens qu’on croise dans ce genre d’endroit humide et glauque sont plutôt réservés, discrets, et ce surtout le matin. Mais pas lui.

Ce qui m’a le plus perturbé, c’est que le gars sifflait. Mais pas le genre de petit sifflement d’une promenade dans les bois, qu’on tait habituellement par gêne dès qu’on croise un randonneur. Pas un petit sifflement du genre j’suis dans la douche et j’oubli mes soucis. Le gars il sifflait, là là. Il turlutait gaiment. Il s’accompagnait d’une ritournelle hystérique. Pour tout dire, il sifflait en tabarnak. Tellement que j’me suis demandé, entre deux poussées, ce qui pouvait amener un homme à siffler de même aussitôt le matin en camping.

Premièrement, on s’entend que le lever du corps le matin en camping c’est pas ce qu’il y a de plus joyeux, surtout dans la section « tentes only ». Ton corps ne déplies plus, t’as une énorme envie de pipi, t’as dormi avec ton linge d’la veille au soir, pis tu pues la boucane de feu de camp. Ça prend 2 heures faire bouillir de l’eau pour te faire un café, faut que t’ailles à la pêche dans la glacière pour trouver le beurre, pis tu veux lire les nouvelles mais ton cellulaire n’a plus de batterie. Quels sont donc les scénarios possibles pour que notre hurluberlu chantonne tout de même autant?

Peut-être était-il particulièrement fier d’avoir réussi à partir son feu la veille avec le bois mou et humide acheté au double du prix de vente suggéré au centre de service, avec seulement un paquet d’allumettes humides. Non mais c’est important ça, pour l’orgueil mâle. Moi en tout cas, je siffloterais je crois, mais peut-être pas jusqu’au lendemain.

Peut-être a-t-il, comme moi, fait sa promenade du matin et monté une petite montagne. C’est pas grand-chose, mais voir le soleil le lever par-dessus les autres montagnes, à quelques 600m, après une rude randonnée dans un sentier difficile, à 6h30 du matin, c’est grisant. Moi je chantonnais presque…

Une autre possibilité éloquente, à laquelle tout le monde a pensé en premier : il a entrepris de conquérir sa dame en Cro-Magnon sous la tente, dans la position des « pamplemousses applaudissant », et elle a été très satisfaite de son ardeur. Mais dans ce cas c’est plutôt elle qui siffloterait, lui se serait plutôt rendormi, avec la fierté du guerrier au devoir accompli.

Ce que je crois plutôt qui l’a rendu dans cet état est fort simple, j’aurais dû y penser tout de suite. Il a simplement fait ce qui rendrait tout homme heureux et serein au point de siffler comme un pinson des jours durant. Il s’est assis la veille au feu, entre-amis, avec un sac de peanuts en écailles, et s’est ouvert une somptueuse bière de micro-brasserie québécoise qu’il a partagé.  Si ça, ça vous mets pas la larme à l’œil… et le goût de siffler!

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