Dernier vendredi de mai, milieu de l’après-midi, sur la 15. Les fenêtres baissées, la musique dans le tapis.
Deux Chevaliers du Houblon sont en direction nord. Le nord,
le vrai : le nord de Sainte-Agathe-des-Monts.
Le nom de code de l’opération : « Retour aux Souches ». L’objectif de la mission :
retrouver le « moi » en nous, avec d’autres
nous.
Un premier arrêt s’impose, sur la Principale de
Sainte-Agathe, pour vérifier l’état des lignes de fut d’un p’tit resto-bar et
pour se faire un p’tit fond. Le soleil est au rendez-vous, et nous confirme d’avance sa présence pour les 48 prochaines heures. On jette un dernier coup d’œil à nos cellulaire et au monde
virtuel, car dans quelques minutes ça ne sera plus possible. Deux pintes
de Rickard’s White et une assiette de nachos semi-mou plus tard, on retrouve notre monture.
Le chemin qui nous sépare de notre destination finale se
fait rapidement. On quitte bientôt l’autoroute, on amorce la sinueuse 329.
-C’t’icitte à gauche.
-Hé que j’ai ben hâte de voir dans quoi tu nous as encore embarqués…
L’asphalte devient vite gravelle, le chemin se tort de plus
en plus, les maisons se font rares, la lumière aussi. Monte descends, tourne
tourne.
-Garde ta gauche à la fourche
-Té sûr?
-Ben oui!
-Criss c’est ben creux!
-C’est supposé être à
droite au boutte…
Comme de fait, au bout, on nous accueille avec des grands
signes de bras. Pas vraiment le choix d’aller
à droite ça l’air. Rapidement,
le P’tit Bonheur se dresse majestueusement devant nous; pas de doute, nous sommes à destination.
-On se park où? »
-J’sais-tu, moé? »
-Y’a un parking en haut, un autre en bas.
-On a deux glacières remplies de boisson, moi j’dis qu’on va en bas!
Une fois stationnés, on se délie
les jambes, on prend une première bouffée d’air
frais, en regardant la plage et la structure de bois qui servira bientôt au feu
de camp, qui nous attend impatiemment. On se dirige donc vers l’entrée présumée de l’auberge, un peu incertains. Y’a pas grand monde, il est encore tôt
faut croire. On ouvre les portes, on entre et vlan! Droit devant nous, y’a un loup de 6pieds dans le
portique, une madame avec un gros kodak, pis deux bols à punch.
- Bon ben, j’pense que
c’est icitte!
Premier bonsoir bien
cordial du personnel, et sans tarder on nous
fait signer une décharge.
- Ouain, ça promet!
S’en suivent quelques
explications d’la seconde dame bien gentille, qui réquisitionne nos appareils électroniques illicites,
nous remet nos clés ainsi que
quelques détails. On retourne ensuite à la voiture, et un premier
transport de bagages s’en suit. Un voyage de paresseux évidemment, les bras vraiment trop pleins, et on
s’enfonce dans les couloirs. La première partie est bien droite, ça va
bien. Ensuite, oh-pe-laye. Les couloirs rétrécissent à vue d’œil, ça vire de
tous les bords, monte, descend, tourne icitte, tourne
par là…un vrai labyrinthe.
-Coudonc, c’tu moé où les
murs se rapprochent de plus en plus?
-Aweye
avance, j’ai soiiiffff…
Juste avant d’arriver à la dernière porte d’urgence tout au fond du labyrinthe,
avec un « stop » écrit dessus, on trouve la nôtre. Les sacs ne
passent pas de travers, mais tournés ça entre. Un magnifique oasis nous
accueille: deux lits simples pas d’couvarte, pis un évier. Bucolique, mais ça fera l’affaire. On dépose nos
sacs, on barre la porte, et on vire de bord pour aller chercher le plus
important : les glacières. On retourne dans le couloir, tourne à droite,
tourne à gauche et woh!
-Ben voyons donc, c’tu moé ou on
vient de passer là, pis y’avait pas de mur
tantôt!
Visiblement un employé est allé au
grenier juste après notre passage, dont la trappe se dressait encore fièrement devant nous,
nous bloquant donc le corridor. Le temps qu’on comprenne qu’on n’est pas
fou (délai dû aux deux pintes de bières),on se faufile entre la trappe et le mur, et on retrouve
notre chemin vers l’extérieur. On revient ensuite
à la réception avec nos deux glacières. Le loup nous dévisage de ses yeux
vides, découragé de voir qu’on a autant sinon plus de boisson que de bagages. De
retour à la chambre, on dépose le tout, et c’est le moment de vérité;
pchishhhht! On ouvre la première bière officielle, et on se fait un toast. Ça y
est, on décroche déjà.
On redescend
en bas, à l’arrière de l’auberge, rejoindre quelques autres crinqués comme nous
qui arrivent presque trop tôt. On fait la connaissance de Michel dit « Iron
Man », Rudy le vaillant, Johanne avec sa machine à bibittes, et Collin le
traitre.
Plusieurs autres arrivent rapidement, on se présente, on
socialise un peu, et on nous appelle bientôt au Petit Salon pour l’accueil
officiel.
C’est là
qu’on fait la connaissance de Humus, le chef spirituel, accompagné du grand
Fanal, son acolyte Lanaf, la belle Haddock, le millionnaire et son épouse. Ils
seront nos guides et notre source d’énergie tout au long du week-end, et on les
sent aussi énervés que nous. On nous explique les règlements, le déroulement de
la première soirée. C’est à ce moment que Collin le traitre se fait prendre en
flagrant délit de possession de matériel électronique illicite, et est aussitôt
escorté par Fanal et Lanaf vers le donjon. Coup de théâtre! Dans le temps de le
dire, ils réapparaissent d’une autre porte, et Collin est devenu Empereur. C’était
donc un subterfuge pour nous espionner, simple civils, pour voir si quelqu’un
parmi nous pensait tricher. Le message est clair, on sera surveillés! Mais tous
passent le test avec brio.
On s’inscrit
ensuite pour l’aventure avec des jeux pour le lendemain, qu’on comprend plus ou
moins, et on se dirige dehors pour l’allumage du premier feu du week-end. 70 péquenots
autour d’un tas de bois enflammé qui fraternisent, boivent, se détendent, et se
réchauffe autant du dehors que du dedans.
Ensuite
un Conteur un peu louche de la plus pure tradition, tout droit sorti d’une pub
de pastilles Riccola, vient nous entretenir sur son passé, sa mère, et autant d’histoires
qu’on a bien de la difficulté à suivre du haut de nos quelques verres. Ensuite
les guitares prennent le relais, les refrains sont entamés. Les dernières
lueurs du jour disparaissent au bout du lac, derrière la montagne, et les
étoiles s’allument une à une. Bientôt c’est tout le ciel qui nous éclaire comme
un immense filet de lanternes chinoises. Le lac se fige, tout comme le temps.
Dans les
prochaines heures le groupe évolue, se disperse petit à petit, et seuls
quelques vaillants guerriers bien réchauffés veillent au feu, se racontant leur
petit vie, ou celle qu’ils rêvent d’avoir. Sur le quai tout près, on philosophe
profondément;
-Ça va
être rough l’hébertisme demain!
-Ben
non, on va être top shape. J’te gage même que j’te bats.
-Pfff?
Si j’te bats, tu me dois une bouteille de Masi,
-Du
Masi!? C’est d’la piquette. On parle pas d’un Veuve Cliquot là, tsé, t’es sûr?
-Ben
non, c’est bon du Masi.
-Ah ok…
Une
seule chose est certaine, il n’y a aucun autre endroit au monde où nous
souhaiterions être, là, à ce moment précis, dont on se souviendra longtemps.
À cet
instant, on sait déjà qu’on a fait le bon choix, que cette petite aventure
influencera nos vies. Le « moi » en nous refait déjà surface, se ralliant
à celui des autres, et l’essentiel redevient tout à fait clair à nos yeux. Le
Retour au Souches opère déjà sa magie…
Les
dernières braisent s’éteignent, et s’achève ainsi la première soirée d’un
week-end qui sera tout aussi mémorable.
2 commentaires:
Quelle belle aventure! Merci de nous faire vivre avec autant de précision, de sincérité et de poésie votre expérience. Tu as beaucoup de talent!
Merci de votre beau récit mr Pitt, je ferais parti des de lla cuvée de septembre :)
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