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26 janvier 2015

L’Équipeur

Sur le divan en ce dimanche soir, tout en dégustant mon bourbon on-the-rocks et un mignon restant de chocolatine qui me désirait, j’écoutais à la télé une toune de Charlebois, « Ordinaire », et ça m’a fait penser spontanément au magasin L’Équipeur. Quel criss de rapport me direz-vous, du haut d’une interjection bien spontanée! Et bien soit, je vous explique.

J’suis allé récemment chez l’Équipeur, magasin de vêtements pour hommes et gouines, et j’ai eu un genre de révélation. Celle que j’étais un gars des plus ordinaires. Pas que j’le savais pas déjà, parce qu’il faut bien se l’avouer, j’ai déjà eu un minivan et une tente-roulotte, mais c’était plutôt comme une sorte de confirmation.

J’m’étais stationné drette devant la boutique, comme d’habitude, parce que j’suis jamais bien loin de la porte. Trois ou quatre chars devant le magasin chaque fois, c’est pas mal la norme. Si t’arrives là pis que y’a dix chars proche d’la porte, grouille toi à rentrer parce que y’a un maudit gros spécial sur les Kamik pis y donnent des beignes en rentrant, ça va être excitant!

Dès que tu rentres à l’intérieur (question de placer un pléonasme bien inutilement), tu le sais tout de suite que t’es pas du tout dans une boutique branchée. Chez Simmon’s ou autres boutiques de linge encore plus huppé pour jeune homme moderne, y’a d’la mademoiselle bien garnie au pied carré; tellement que des fois tu te souviens même plus ce que t’es venus chercher. Chez L’équipeur, c’est pas du tout un problème. Les madames à la caisse qui se pitchent pour te dire un « bonjour » trop intense quand tu rentres, décolleté ou pas, sont pas là pour faire mousser les ventes. C’est pas comme qu’on dirait une « valeur ajoutée ». Elles ont une tâche bien spécifique, c’est d’accueillir l’homme moyen et de scanner des étiquettes, pis c’est toute. C’est pas là que tu fais les yeux doux pis que tu demandes un extra, tsé...

Pis quand tu regardes le linge, en pénétrant effrayé un peu plus loin dans l’allée, tu te dis pas « hé qu’la mode a donc bien changée c’t’année, hein! »… Parce que c’est pas mal toujours le même pattern de racks, avec le même linge dessus. Y’a d’abord l’allée des bas bruns, les bas de laine, ensuite le coin des polos, puis les chemises lignées, les chemises de chasse, les pantalons beige à pli, les jeans bleus-foncé, les pantoufles dure de monsieur, pis le département vedette,  les bottes de travail. J’vais là depuis des années, pis ils se sont jamais même donné le trouble de refaire le layout du plancher. Parce qu’un homme ordinaire, ça a pas besoin de flafla ou de nouveauté. Du blanc, du beige, du gris pis du noir, pis on est heureux. Ajoute un peu de kaki de temps en temps, pis on est excités d’être déstabilisés.

Même la disposition de l’allée principale est simple : un rond, criss. Tu peux pas te perdre, là. Tu pars d’un bord, tu continus, tu continus, pis à la fin, ben osti t’arrives à la caisse, juste à côté d’où t’étais partis. Mais à quelque part, j’haïs pas ça; j’sais exactement le nombre de pas qu’il y a entre la porte pis mon rack de jeans, ce qui est très sécurisant.

Oui parce que la raison principale qui me pousse à aller là, à part Monique à la caisse 2, c’est que c’est la seule maudite place où ils vendent des jeans qui me font. Parce qu’ils ont des longueurs de jambes ajustées et variées, et donc que je trouve preneur pour mes belles grand cannes de gnôme. Si j’achète des jeans dans une boutique ailleurs, le genou m’arrive sur le tibia, pis j’ai tellement de lousse dans le bas mes pantalons que j’peux me faire une paire de shorts avec, une fois le rebord fait. M’a dire comme on dit, j’habille pas vraiment sur le rack.

Mais ce qui me convainc surtout que je suis un gars ben ordinaire; j’vais toujours dans le même rack de jeans, où y’a la seule coupe qui me fait bien, c’est-à-dire la coupe « classique ». J’ai déjà essayé, une fois, de faire différent avec une coupe « ajustée », un tantinet plus wild; en sortant de la cabine pour me voir dans le miroir, ben criss j’ai turné off la vieille watcheuse, celle qui débarre les cabines d’essayage avec son trousseau de clés après le poignet! Donc pas le choix, coupe classique pour le monsieur. C’te coupe là me fait tellement bien que dès fois j’me regarde pis j’me dis qu’ils ont surement un moule de mon cul à l’usine, avec un sticker « ordinaire » dessus.

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